MAROC : De la terre au leadership : l’itinéraire de Sanae Bouhria
De la terre au leadership : l’itinéraire de Sanae Bouhria
À première vue, Douar El Hamri, un petit village niché dans la commune de Boughriba, près de Berkane, ressemble à tant d’autres douars ruraux du Maroc. Mais en y regardant de plus près, on y découvre un véritable foyer de transformation sociale et écologique, porté par une femme au parcours remarquable : Sanae Bouhria. Présidente de la Coopérative El Hamri pour la Solidarité et le Développement, elle incarne à elle seule l’élan d’un changement durable, ancré dans la terre et dans la solidarité féminine.
C’est en juin 2021 que Sanae lance, avec dix autres femmes rurales, cette coopérative entièrement dédiée à l’agroécologie et à la production de produits agroalimentaires biologiques. Mais au-delà du projet collectif, c’est sa vision, sa rigueur et sa détermination qui ont permis à cette initiative de prendre racine et de grandir.
Une femme de terrain et de vision
Discrète mais déterminée, Sanae Bouhria n’est pas issue du monde agricole au sens classique. Ce qu’elle possède en revanche, c’est une capacité rare à fédérer, à structurer et à motiver. « Je ne voulais pas que les femmes de mon village restent dans l’ombre, dépendantes ou isolées. Je savais qu’on avait en nous des savoir-faire, des idées, une force. Il fallait juste créer le bon cadre », explique-t-elle avec simplicité.
Ce cadre, elle le façonne méthodiquement : obtention du certificat sanitaire de l’ONSSA, agrément bio délivré par le CCPB, mise en place d’une unité de transformation équipée d’une chambre froide fonctionnant à l’énergie solaire, création de parcelles agricoles cultivées selon les principes de l’agroécologie… En moins de trois ans, Sanae Bouhria a su faire de la Coopérative El Hamri un exemple national de développement rural durable et solidaire.
L’agroécologie comme engagement personnel
Ce qui distingue Sanae, c’est son rapport intime à la terre. « Travailler la terre, c’est aussi se reconnecter à soi-même, à ses racines. On ne peut pas parler d’autonomisation sans parler de souveraineté alimentaire, de respect de l’environnement, de transmission », affirme-t-elle.
Sous sa direction, la coopérative cultive ses propres légumes, herbes et épices, qu’elle transforme ensuite en produits bio : confitures artisanales, conserves naturelles, mélanges d’épices, légumes séchés ou réduits en poudre… Tout est pensé dans une logique circulaire, maîtrisée de bout en bout.
Une reconnaissance nationale
L’engagement de Sanae ne passe pas inaperçu. En 2024, elle mène la coopérative à sa première participation au prestigieux concours national « Lalla Al Moutaâwina », où El Hamri décroche le Prix de la Meilleure Idée de Projet de Coopérative Féminine. Une reconnaissance symbolique, mais aussi stratégique, qui renforce la légitimité du projet et donne à Sanae une visibilité méritée.
Transmettre et inspirer
Pour elle, cette reconnaissance est surtout un levier. « Mon rêve, c’est de former d’autres femmes, de créer un réseau de coopératives qui partagent les mêmes valeurs. Ce n’est pas juste une question d’agriculture, c’est une question de dignité. »
Malgré les difficultés – accès aux marchés, transport, lourdeurs administratives – Sanae continue d’avancer avec une énergie contagieuse. Ses projets ne manquent pas : agrandir les unités de production, développer de nouveaux produits, créer des formations locales…
Un leadership au féminin, ancré et inspirant
Sanae Bouhria est bien plus qu’une présidente de coopérative. Elle est une meneuse, une bâtisseuse, une inspiratrice. À travers son engagement, elle offre aux femmes de son village — et bien au-delà — une voie vers l’autonomie, la reconnaissance et la réussite. Dans un Maroc rural encore en quête d’alternatives durables, son parcours résonne comme un exemple à suivre.

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